Interviews de Tristan Flavigny (Associé Co-gérant, Sapiance RH), Jean Paul Brette (Directeur Général, Hudson) et Damien Créquer (Associé, Taste).

Comment se porte le marché du recrutement ?

TF : Je dirais qu’en pratique le recrutement est dans la période  « Stop ». L’ensemble des clients ont des difficultés à se projeter sur le long terme et recherchent uniquement des compétences utilisables immédiatement, sans doute pour se rassurer. On remarque aussi que les clients ont des difficultés à prendre des décisions de recrutement, parce que les descriptifs de postes évoluent en permanence en fonction de la conjoncture. Les délais de recrutement sont plus longs.

Même les candidats sont un peu dans le « Stop », ils demandent des garanties particulières, ils sont frileux par rapport au risque que comporte la période d’essai. Un véritable projet d‘entreprise peut les décider à bouger.

JP B : Il y a un ralentissement fort mais il serait faux de dire qu’il y a un « Stop » total, il suffit de mettre en perspective avec la crise de 1993: il devrait y avoir 140 000 recrutements de cadres cette année, contre 210 000 en 2006 mais 73 000 en 1993.

Selon une récente étude Hudson (500 DRH interrogé dans 30 pays), « les chantiers des DRH face à la crise », l’attitude des entreprises a changé par rapport à la crise précédente. Les entreprises recherchent  le « rightsizing » avant le « downsizing », elles cherchent à « mettre à la bonne taille » plutôt qu’à réduire de façon systématique leurs effectifs. Les entreprises ont conscience qu’il faut retenir leurs talents et travailler sur « l’après crise » pour ne pas rater le redémarrage. Sinon, le jour où ça repart, on a déjà perdu la guerre…

DC : Pour moi, concernant le recrutement de cadres, on est dans le « Go » et on a passé le « Stop ». Le marché donne de signes de reprise tangibles, il suffit de voir le nombre d’offres d’emploi sur l’APEC. Mais le marché est inégalitaire, les seniors  et les entrants n’arrivent pas à l’intégrer. Ensuite, on retrouve aussi des inégalités en fonction des secteurs et des métiers.

Quels sont vos conseils aux entreprises ?

DC : D’abord, pour moi, le « Stop » est légitime. La masse salariale pèse lourd et les entreprises ont besoin de résultats en phase avec l’activité.

Les périodes de « Stop » sont propices à la restructuration interne. Yahoo, par exemple, a pris la décision de raccourcir les organigrammes, pour augmenter sa réactivité et mettre les personnes sont en position de responsabilité.

Je pense qu’il faut reconfigurer ses équipes, tout en créant des espaces qui permettent de continuer à recruter à l’extérieur, car les entreprises ont besoin d’acquérir de nouvelles  compétences.

Ce que l’on préconise c’est de continuer à générer des flux de candidatures pour « benchmarquer » les compétences auprès des entreprises qui résistent à la crise. C’est cette façon de se projeter dans l’avenir qui provoque les changements d’organisation dont l’entreprise a besoin.

Enfin, profiter de la crise pour faire du « shopping de compétences » au rabais est une « fausse bonne idée ». Déjà, on ne parle pas d’un  produit fini mais d’une personne, ensuite elle de nouveau en position de force quand le marché se tend.

TF : Il ne faut pas oublier d’évaluer le potentiel des candidats, donc leur capacité à s’adapter aux besoins de l’entreprise. On ne peut se limiter à recruter les compétences indispensables dans l’immédiat. Il faut faire du « Go » en sachant où l’on va sur le long terme. Il faut garder une ouverture sur les profils pour éviter l’effet « clonage », et le risque que ce comportement engendre en matière de discrimination.

JP B : Le  « Stop & Go » est une réalité, néanmoins il faut tout faire pour le réduire et le substituer par le « go slowly and run » ! Il faut continuer à mener des processus de recrutement même si, in fine, il n’y a pas de recrutement. L’essentiel est de maintenir un trafic entre son entreprise et le monde des candidats. A nous, cabinets de recrutement, d’expliquer aux candidats que le rapport au temps n’est pas le même pour l’entreprise mais que fondamentalement celle-ci va continuer à recruter…

Article proposé en partenariat avec Exclusiverh.com.