Je viens de faire un billet sur Donatello, entreprise qui a baissé les salaires de ses salariés pour faire face à la crise.
Suite à cela, il m’a paru utile de faire un point juridique sur le sujet, j’ai donc interviewé un avocat spécialiste en droit du travail, Maître Nicol.
Pouvez vous nous préciser dans quel cas l’entreprise peut effectuer une modification du contrat de travail, une baisse de salaire par exemple ?
Yves Nicol: Lorsqu’une entreprise envisage de licencier pour motif économique, elle peut, afin d’éviter un licenciement, proposer une modification du contrat de travail (modification du nombre d’heures, de la rémunération, du poste…). Il s’agit d’un dispositif facultatif qui concerne uniquement le cas de l’entreprise qui envisage une alternative au licenciement économique qui serait la modification du contrat de travail.
Quelle est la procédure légale ?
YN: L’entreprise doit écrire un courrier avec Accusé de Réception en expliquant la situation à la personne concernée:
« Nous envisageons votre licenciement économique… pour l’éviter nous vous proposons telle modification… »
La personne dispose d’un délai de 30 jours pour accepter la modification proposée. Si le salarié ne refuse pas par écrit, la modification est considérée comme acceptée.
Ensuite il faut faire signer l’avenant au contrat de travail. Si le salarié refuse, la modification n’interviendra pas.
L’employeur aura alors à décider :
-soit il licencie pour motif économique (il pourra justifier avoir tenté un reclassement)
-soit il renonce à la modification envisagée.
Petite précision on ne peut pas baisser les salaires sans limites : il y a le SMIC, plancher en dessous duquel on ne peut pas aller et il y a aussi les minima conventionnels qui définissent un salaire plancher, emploi par emploi. Le contrat de travail ne peut y déroger.
Quel type d’entreprise a recours à ce dispositif ?
YN: C’est un dispositif plutôt utilisé pour des cas individuels, et notamment dans des PME/PMI. Exemple : baisse d’activité durable ou abandon de telle ou telle activité ; on n’a plus besoin d’un poste à temps plein, mais seulement à mi-temps.
Dans une situation collective, c’est particulier. Il s’agirait dans le cas de Donatello, de demander aux salariés une diminution de salaire en mettant en avant une cause économique. Si cette solution permet d’éviter de mettre en œuvre un PSE, il sera cependant nécessaire de consulter le CE (s’il en existe un) préalablement à la mise en œuvre. En effet, le CE est consulté obligatoirement dans le cadre de « l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, les mesures affectant notamment le volume ou la structure des effectifs, la durée de travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel. »
Quel est l’avantage pour l’entreprise ?
YN: L’entreprise n’a pas besoin de mettre en place un PSE (plan social), qui mettrait 6 à 9 mois pour se finaliser, avec un coût énorme de mesures d’accompagnement. On évite aussi le chômage partiel, qui ne résout rien à terme.
Quel est l’inconvénient pour l’entreprise ?
YN: Il n’est pas simple de gérer la situation suivante: une partie du personnel accepte et pas l’autre…
C’est donc à mon avis une issue d’extrême limite, c’est une question de survie. Dans le cas de Donatello c’est crédible car il opère dans un secteur particulièrement touché par la crise.
Le charisme du dirigeant et la qualité du management en relais doivent permettre de faire passer le message de « survie » au personnel.