Améliorons la Relation au Travail, pour chacun et pour toutes les organisations !

Étiquette : contrat de travail

L'entreprise peut elle interdire à ses salariés de tenir un blog ?

Yves Nicol, avocat et bloggeur répond à cette question.  C’est la suite du premier épisode « créer son blog et parler de sa vie professionnelle… »

Tenir un blog est, pour un salarié, est un droit fondamental, une liberté civile à rapprocher de la liberté d’expression. Par conséquent, il est impensable qu’une entreprise interdise à un salarié, tant la création d’un blog, que son expression par ce moyen.

Les textes protecteurs ne manquent pas pour rendre impossible toute interdiction que tenterait une entreprise.
– L’article 9 du Code civil : « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
– La Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, article 8 : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

Le contrat de travail

L’entreprise ne dispose d’aucun moyen d’action pour imposer à ses salariés une réserve dans les propos qu’il tient sur son blog. La relation qui régit l’employeur et le salarié est celle du contrat de travail. La tenue d’un blog relève de la vie personnelle. Une clause du contrat de travail qui interdirait la tenue d’un blog ou l’invitant à y modérer ses propos, ou encore à lui interdire d’y évoquer l’entreprise, serait nulle de mon point de vue, et sans aucune portée.

Règlement intérieur et charte internet

Dans chaque entreprise d’au moins 20 salariés, le règlement intérieur, qui est obligatoire, permet à l’employeur de fixer des règles de conduite au quotidien, comme la discipline, l’hygiène sécurité…et Souvent, une Charte informatique est annexée au règlement intérieur, afin de réglementer l’usage des outils informatiques et d’internet par les salariés.

Mais attention, ce règlement intérieur n’a de portée qu’en ce qui concerne la relation de travail stricto sensu. Toute clause interdisant à un salarié de tenir un blog personnel ou le contraignant à informer préalablement son employeur serait illégale. En tout état de cause, pour avoir une portée, le règlement intérieur doit préalablement être soumis aux représentants du personnel ainsi qu’à l’inspecteur du travail. Ce dernier interdirait sans aucun doute une telle clause.

Une initiative intéressante

Hub télécom, opérateur télécom, vient de créer un blog interne destiné aux collaborateurs. L’entreprise, qui compte 500 collaborateurs, procéde à une création intéressante, dans un contexte interne mouvementé d’acquisition d’une autre société.

Ce blog, baptisé « En route ensemble », comprend des données sociales utiles, informe sur les chantiers en cours, mais surtout permet aux collaborateurs de s’exprimer. Les salariés posent des questions et peuvent réagir sur les sujets ; Il ne s’agit donc pas du tout d’un intranet, mais bien de l’esprit blog.

Cette initiative me semble aussi utile qu’intéressante, pour canaliser l’expression des collaborateurs. En l’espèce, il s’agit bien sûr d’un contexte d’entreprise particulier, mais il est probable que l’utilité soit très réelle un peu partout. Quitte à tenter l’expérience de façon éphémère et à titre de test.

Baisse des salaires par l'employeur. Contexte légal.

Je viens de faire un billet sur Donatello, entreprise qui a baissé les salaires de ses salariés pour faire face à la crise.

Suite à cela, il m’a paru utile de faire un point juridique sur le sujet, j’ai donc interviewé un avocat spécialiste en droit du travail, Maître Nicol.

Pouvez vous nous préciser dans quel cas l’entreprise peut effectuer une modification du contrat de travail, une baisse de salaire par exemple ?

Yves Nicol: Lorsqu’une entreprise envisage de licencier pour motif économique, elle peut, afin d’éviter un licenciement, proposer une modification du contrat de travail (modification du nombre d’heures, de la rémunération, du poste…). Il s’agit d’un dispositif facultatif qui concerne uniquement le cas de l’entreprise qui envisage une alternative au licenciement économique qui serait la modification du contrat de travail.

Quelle est la procédure légale ?

YN: L’entreprise doit écrire un courrier avec Accusé de Réception en expliquant la situation à la personne concernée:

« Nous envisageons votre licenciement économique… pour l’éviter nous vous proposons telle modification… »

La personne dispose d’un délai de 30 jours pour accepter la modification proposée. Si le salarié ne refuse pas par écrit, la modification est considérée comme acceptée.

Ensuite il faut faire signer l’avenant au contrat de travail. Si le salarié refuse, la modification n’interviendra pas.

L’employeur aura alors à décider :

-soit il licencie pour motif économique (il pourra justifier avoir tenté un reclassement)

-soit il renonce à la modification envisagée.

Petite précision on ne peut pas baisser les salaires sans limites : il y a le SMIC, plancher en dessous duquel on ne peut pas aller et il y a aussi les minima conventionnels qui définissent un salaire plancher, emploi par emploi. Le contrat de travail ne peut y déroger.

Quel type d’entreprise a recours à ce dispositif ?

YN: C’est un dispositif plutôt utilisé pour des cas individuels, et notamment dans des PME/PMI. Exemple : baisse d’activité durable ou abandon de telle ou telle activité ; on n’a plus besoin d’un poste à temps plein, mais seulement à mi-temps.
Dans une situation collective, c’est particulier. Il s’agirait dans le cas de Donatello, de demander aux salariés une diminution de salaire en mettant en avant une cause économique. Si cette solution permet d’éviter de mettre en œuvre un PSE, il sera cependant nécessaire de consulter le CE (s’il en existe un) préalablement à la mise en œuvre. En effet, le CE est consulté obligatoirement dans le cadre  de « l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, les mesures affectant notamment le volume ou la structure des effectifs, la durée de travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel. »

Quel est l’avantage pour l’entreprise ?

YN: L’entreprise n’a pas besoin de mettre en place un PSE (plan social), qui mettrait 6 à 9 mois pour se finaliser, avec un coût énorme de mesures d’accompagnement. On évite aussi le chômage partiel, qui ne résout rien à terme.

Quel est l’inconvénient pour l’entreprise ?

YN: Il n’est pas simple de gérer la situation suivante: une partie du personnel accepte et pas l’autre…

C’est donc à mon avis une issue d’extrême limite, c’est une question de survie. Dans le cas de Donatello c’est crédible car il opère dans un secteur particulièrement touché par la crise.

Le charisme du dirigeant et la qualité du management en relais doivent permettre de faire passer le message de « survie » au personnel.

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén